Nous courons pour rester à la même place

Dernièrement, je revoyais un des films de Futurama (excellente série à l’occasion), « Into the Wild Green Yonder ». Dans ce film, Fry (un des personnages de futurama… complètement idiot) reçoit le don de télépathie et entre en communication avec un être suprême. Cet être suprême lutte depuis le début des temps avec un autre être dans un combat évolutionniste: pour survivre l’un l’autre, les deux êtres évoluent sans cesse. Et là, tout se télescope dans la tête: Futurama, reine rouge, de l’autre côté du miroir, Alice aux pays des merveilles, Archimède. Je m’explique.

Dans le livre « De l’autre côté du miroir », suite du très célèbre « Alice aux pays des merveilles », Alice fait la rencontre de la Reine Rouge. Après une courte discussion, les deux interlocutrices s’arrêtent et se mettent à courir. Alice demande alors: « Mais, Reine Rouge, c’est étrange, nous courons vite et le paysage autour de nous ne change pas ? ». La Reine répondit: « Nous courons pour rester à la même place. » C’est dans ces mots que constitue le « paradoxe de la réalité », ou « paradoxe de l’évolution », ou également appelé « Théorie de la Reine Rouge »: dans un système co-évolutif et concurrentiel, la mutation d’un des agents de ce système qui apporte un changement favorable affecte son environnement qui va favoriser également les agents concurrents qui développent des mutations avantageuses. Lorsque l’un des agents évolue, l’autre évolue d’autant plus poussant ainsi une nouvelle évolution du premier agent, etc. Un système coévolutif antagoniste peut se voir comme un cercle vicieux, où chaque mutation/amélioration pousse à d’avantage de mutations et d’améliorations, mais sans améliorer pour autant la « qualité de vie », dans le sens ou chaque amélioration est aussitôt compensée par une autre. Courir pour rester à la même place.

Des exemples dans la nature sont foisons: le développement des orchidées conjointement à celui des oiseaux-mouches par exemple, avec un tube plus long pour la fleur contre un bec en conséquence pour l’oiseau (en plus d’un vol stationnaire).

Mais ce paradoxe est visible à d’autres niveaux, bien plus proches de notre réalité: la course à l’armement nucléaire entre le bloc soviétique et le Etats-Unis, avec un surenchère de l’acquisition de l’arme pour au final rester à un même niveau en terme d’arsenal l’un par rapport à l’autre, ou même les opérateurs de téléphonie mobile, qui développent de nouvelles stratégies publicitaires, de nouvelles offres mobiles, de nouvelles technologies, etc. mais pour au final rester à la même position (Orange 1er opérateur en terme de clients, SFR 1er opérateur en terme de couverture réseau, Bouygues 1er opérateur en terme de service client). Bien sûr, pour le dernier exemple, nous ne prendrons pas en compte les ententes plus ou moins illicites entre opérateurs…

Tout ça pour revenir à « Archimède ». Car c’est dans cette vieille émission d’Arte de je découvris pour la première fois cette théorie et paradoxe et qui me poussa à la réflexion de la nécessité du travail: travailler plus pour gagner plus (comme dirait notre cher Président), certes, mais ceci, appliqué à un niveau global, induit une inflation et une dévaluation de la monnaie pour au final gagner moins, nous poussant ainsi à devoir travailler plus pour gagner plus, etc. Bref, dans un tel système coévolutif, la critique que nous faisons souvent de l’oiseau mouche (qui, au lieu, de se fatiguer et s’épuiser à voler pour se nourrir devrait se poser pour dépenser moins d’énergie et nécessiter moins d’apport alimentaire – nous disons en résumé « mais qu’il est con cet animal ») devrait également nous être attribuée (bref, « Glandons » me paraît le mot approprié). Mais ceci n’est qu’un avis personnel, et ceci est une autre histoire.


A propos de l'auteur

jyboo

8 commentaires

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  • Très bel article, et intéressant par dessus le marché! J’ajouterai « O paresse, mère des arts et des nobles vertus, sois le baume des angoisses humaines ! » (Le Droit à la paresse)

  • Très intéressant. Hélàs ce n’est pas une réponse à une question que je ne me posais pas 😉
    J’avais eu un début de raisonnement semblable il y a quelques jours, mais je ne me souviens plus de la cause.

    hélàs, nous mettre à glander semble une solution beaucoup moins envisageable que se poser sur le fleur (pour l’oiseau évidemment) ; dans ce cas il faudrait plutôt vivre en autharcie pour ne plus dépendre de l’argent. Mais ce serait aussi se couper du monde, de nos amis… et pire: d’internet et de culture-generale.fr !! 😉

  • Article sympa.
    C’est un peu la théorie de Darwin, dans le fond…
    Ceci dit, pour ce qui est de la concurrence des marchés, ou de « travailler plus pour gagner plus », je ne suis pas du tout d’accord:
    Certes, les opérateurs restent gardent leur position si on considère tes critères, mais dire que le « niveau de vie » est resté inchangé… en tout cas, les services qu’ils offrent ont évolué fortement au cours du temps !

    Et dire que « travailler plus pour gagner plus » n’est que pure fantaisie pour une histoire de dévaluation de monnaie montre bien que tu ne sais pas ce qu’est l’inflation ou la dévaluation, ni ce que sarkozizi a voulu dire par ça :
    Il n’est aucunement question de « créer » les devises nécessaires à une éventuelle augmentation de salaire moyen (qui, effectivement, entrainerait une dévaluation de la monnaie)… mais de créer des richesses réelles en travaillant plus.
    En période de plein emploi, cette politique entrainerait forcément une augmentation du niveau de vie conséquente.

    Soit, dans le contexte actuel, cette politique est discutable, mais pas pour les raisons que tu as énoncées.

  • oui, c’est comme débattre de la bonne quantité de bulle dans la bière. C’est courir sur place pendant qu’elle se réchauffe.

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