Categories: Mathématiques

Il y a plusieurs infinités différentes

Ce billet pas si court peut être considéré comme faisant parti de ma serie de billets soulignant des fausses idées tenaces en science. Beaucoup de personnes estiment que la notion d’infini est homogène, je veux dire par là qu’ils pensent qu’il n’existe qu’un seul type d’infini. La vérité est plus subtile que ça. N’ayez pas peur, ce billet ne sera pas technique et se veut de donner une idée des choses la plus intuitive possible.

Mathématiquement, il existe une infinité d’infinis différents. Mais il en existe au moins deux qui sont assez naturels et faciles à expliquer. Prenez l’ensemble des entiers naturels : 0, 1, 2, …, 42, … Comme vous le savez, cet ensemble est infini, cést-à-dire que cette suite de nombre ne s’arrête jamais. On sait qu’il s’agit du plus petit infini possible. Prenez maintenant l’ensemble des nombres réels : 0; 0,1; 0,2; …; 1; …; 42,2346583; … Comme l’ensemble précédent, si on prend au hasard un nombre dans cet ensemble, on peut toujours trouver un nombre plus grand. Par contre, contrairement à l’ensemble des entiers naturels, si vous prenez deux nombres au hasard, disons a et b, vous aurez toujours des nombres i compris entre a et b : a < i < b. Même mieux, il y a une infinité de i !

En effet, dans l’ensemble des entiers naturels, si vous prenez 0 et 1, il n’existe aucun nombre entre eux. Dans l’ensemble des nombres réels, si vous prenez 0,1 et 0,2 il existe 0,15 entre eux. Si vous prenez 0,01 et 0,02, il existe 0,015. Ainsi de suite.

On peut dire qu’en quelque sorte, l’infinité du nombre des nombres réels est infiniment plus grand que l’infinité du nombre des entiers naturels…

Si vous avez mal à la tête, arrêtez-là. Sinon, bonus pour les autres :

On pense qu’il n’existe pas d’autres infinités situés entre ces deux là, donc que l’infinité des entiers naturels est la plus petite infinité possible (ça, on en est sûr) et que l’infinité des nombres réels vient juste après (on le pense, ça s’appelle l’hypothèse du continue). Quoi qu’il en soit, les infinités sont des notions difficiles à comprendre. Prenez par exemple tous les entiers naturels : 0, 1, 2, 3, … Multipliez chaque nombre par deux, et vous obtenez 0, 2, 4, 6, … Il a été démontré que cet ensemble obtenu est aussi grand que l’ensemble de départ avec tous les entiers naturels !

Maintenant, je vous laisse à vos réflexions…

Kae

Kae est un petit hibou curieux de (presque) tout et contribue de temps en temps au site www.culture-generale.fr quand son emploi du temps le lui permet. Il a comme principal intérêt des questions liées de près ou de loin à la science mais reste ouvert et intéressé par bien d'autres choses. Comme tous les hiboux, il n'est pas infaillible, même dans son domaine de prédilection. Il prie donc le lecteur de se montrer indulgent envers ses articles mais sera toujours heureux de voir des commentaires soulignant des erreurs ou apportant des précisions !

View Comments

  • Déjà que la chaleur d'aujourd'hui m'a fichue un sérieux mal au crâne, toi t'en rajoutes une couche ! Merci ! Ah, ah !

  • J'ai décroché au dernier paragraphe, je le relierai demain matin dans le train à la fraiche :)

  • tu dis que l'infinité des entiers naturels est la plus petite infinité possible. Seulement il y a une infiniité de nombre premiers. Or si on suit ton raisonement, comme il y a moins de nombres premiers que d'entiers naturels, l'infinité des nombres premiers me semble plus petite. non?

  • cosmocat > c'est ce que je me disais aussi, pourquoi l'ensemble des entiers pairs par exemple n'est pas un infini plus petit. mais d'après le dernier paragraphe de l'article, ça a été démontré que les deux infinis étaient de "même taille" (drôle de notion quand même)...

  • edit: est ce qu'on pourrait avoir de sources pour creuser un peu plus le sujet stp?

  • Il me semble (et Kae me corrigera ou sera plus clair que moi) que les cas des nombres premiers et des nombres pairs ne sont pas valables car ils font déjà partie des entiers naturels ( que ce soit 2, 13, 2003, etc...). Donc leurs infinis sont compris dans celui des entiers naturels qui est lui-même infini et sont ainsi de même taille (J'ai peur de me perdre avec tout cet espace :) ).

    philippe> Dans le style infiniment complexe et intéressant, le paradoxe de Zénon d'Élée : Une flèche est tirée, et avant d'atteindre la cible, elle doit parcourir la moitié de la distance, puis encore la moitié de la distance restante, et ainsi de suite. On a donc une somme infini de distance fini et la flèche semble donc ne jamais atteindre la cible (Là, je laisse le soin à Kae de résoudre ce joli casse-tête ;) ).

  • Waow, j'avoue que pour un billet sur ce sujet, je ne m'attendais pas à une telle avalanche de commentaires. Je vais essayer de les traiter dans l'ordre.

    Désole Billx. Je me doutais que ce billet ne te plairait pas trop :-p

    Bastien : n'hésite pas à me demander en privé des infos si le billet n'est pas clair et que le sujet t'intéresse ^^.

    Mycroft : OUI ! En plein dans le mille ! Impressionnant pour un lycéen je dois dire ! En effet, le cardinal aleph_0 corresponds à la cardinalité de l'ensemble des entiers naturels. Aleps_1 est la cardinalité de l'ensembles des réels. Ainsi, l'hypothèse du continue est la suivante : Est-ce vraie que aleph_1 est égal à 2 puissance aleph_0 ?

    cosmocat : c'est une très bonne question. En effet, il y a une infinité de nombres premiers, mais c'est une infinité dénombrable, c'est-à-dire que l'on peut les énumérer. Or, si les nombres premiers sont aussi dénombrables, cela signifie qu'il existe une bijection entre l'ensemble des nombre premiers et l'ensemble des entiers naturels, c'est-à-dire qu'à chaque nombre premier on peut faire correspondre un entier naturel (et reciproquement). Par conséquent, la cardinalité de l'ensemble des nombres premiers est la même que la cardinalité de l'ensemble des entiers naturels.

    philippe : je n'ai pas de sources ; il s'agit de connaissances personnelles. Pour info, je soutiens très bientôt une thèse de doctorat en mathématiques.

    Mycroft encore : désolé, je n'ai pas vraiment compris ton premier paragraphe :-/ (faut dire aussi que je viens de m'envoyer 2,5L de bière par personne avec des Autrichiens...). Pour ton deuxième paragraphe, il s'agit d'un paradoxe bien connu. D'un point de vue physique, ce paradoxe s'effondre. En effet, on ne peut pas indéfiniment arriver à une distance parcourue infiniment petite car il existe une plus petite distance ayant une cohérence physique (la longueur de Planck). Il existe même une version plus subtile de ce paradoxe : le lièvre et la tortue. Un lièvre et une tortue font la course, mais la tortue part avec 50m d'avance sur le lièvre. On estime que le lièvre court deux fois plus vite que la tortue. Pourtant, un premier raisonnement tendrait à croire que le lièvre ne rattrape jamais la tortue : en effet, quand le lièvre a parcouru 50m (position initiale de la tortue), la tortue a fait 25m. Elle a donc 25 m d'avance. Quand le lièvre parcourt ces 25m, la tortue a parcouru 12,5m, et ainsi de suite. On a l'impression que la tortue a une éternelle avance sur le lièvre. Certe, mais c'est sans compter une convergence de la serie infinie des sommes des distances parcourues : pour le lièvre, la série 50m + 25m (donc 50/2) + 12.5m (donc 50/4)+ ... + 50/2^n mètres tends vers 100m quand n tends vers l'infini. Pareil pour la tortue. Ainsi, notre raisonnement se piège lui-même dans une considération de l'infiniment petit alors qu'il devrait aller au-dela, notament en appliquant le calcul d'une limite.

    Presque de la même trempe (pas tout à fait en fait), voici la colle suivante : un élastique relie le cou d'un cheval à un poteau. Un escargot est posé sur l'élastique, à côté du poteau. Le cheval avance tranquillement à 1m par seconde. L'escargot, qui est à donf, avance à 1mm par seconde. Et pourtant, mathématiquement, l'escargot finit par rejoindre le cheval. Pourquoi ?

  • Je viens de re-relire mon commentaire, et j'ai relevé cette typo dans ma réponse à cosmocat. Au lieu de "Or, si les nombres premiers sont aussi dénombrables", il faut lire "Or, les nombres premiers sont aussi dénombrables". Les entiers naturels sont bien entendu inconditionnellement dénombrables ^^

  • Cet article repose à mon sens sur une prémisse erronée.

    D'abord, l'infini mérite d'être défini : qui n'a pas de fin.

    De cette façon, qu'on parle d'un ensemble "0,0001; 0,0002; 0,0003; ..." ou d'un ensemble "1500; 3000; 4500; ...", l'infinité est la même. Si le premier ensemble donne l'impression de contenir plus d'éléments, c'est qu'on lui suppose - peut-être inconsciemment - une fin. Or, l'infinité se caractérise par l'incapacité de la quantifier.

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Kae

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