Un peu de Français

Il y a depuis quelques temps une impression qui se développe dans la mentalité française. En effet, de plus en plus de français s’insurgent de l’intrusion à fréquence grimpante des anglicismes dans la langue de Molière: la vraie fausse polémique du député UMP François-Michel Gonnot sur l’Eurovision 2008 avec la chanson de Sébastien Tellier (alors que, rappelons le, les Fatals Picards chantaient en « franglais » l’année précédente), le remplacement systématique des mots comme « mail » par « courriel », « spam » par « pourriel », etc.

La réalité est que le Français est une langue basée sur le latin, vivante, heureusement, et cela, de tout temps. Remontons dans le temps.

Au Moyen Age, la péninsule ibérique et l’ensemble du bassin méditerranéen en général sont alors sous la domination musulmane (attention, il ne s’agit pas de racisme ou de discrimination de croyance, mais des faits historiques). Le monde musulman rayonne alors dans le monde connu, et cela dans tous les domaines: médecine, algèbre, physique, cartographie/géographie, économie, etc. Le monde musulman est en plein essor, notamment face à un royaume des Francs plus féodale qui peine dans le rassemblement et l’unité (qui s’étend mais qui se divise au bout de luttes intestines en le Saint Empire germanique et la France – mais c’est une autre histoire). L’influence musulmane et de la langue arabe est donc inévitable, tant les échanges commerciaux se multiplient et le développement scientifique y est important.

C’est ainsi que la langue française s’enrichit de mots aujourd’hui courant tels que abricot, alchimie et chimie, orange, algèbre, guitare, bougie, café, mazout, lascar, mesquin, caramel, goudron, chemise, nuque, coton, cumin, hasard, douane, éponge, épinard, estragon, des mots s’installant dans la langue au gré des marchandises commercées. Sans oublier les chiffres arabes, et des mots aujourd’hui incontournables et paradoxaux comme « niquer » ou « alcool ». Bref, l’influence est telle qu’il existait même des bourgades où des femmes occidentales portaient le voile par respect de la culture voisine.

Ce phénomène d’emprunt et d’adaptation de mots étrangers s’est bien sûr poursuivi tout au long des siècles avec des mots anglais, allemands, espagnols, italiens et bien d’autres. Nous obtenons ainsi des singularités comme « vasistas » provenant de l’allemand « Was ist das ? » signifiant « Qu’est-ce que c’est ? », ou redingote venant de l’anglais « Riding coat » (manteau pour l’équitation), ou la « vache-qui-rit » dérivant (fortement) de « Walkyrie ». D’autres mots sont transposés plus fréquemment directement dans la langue française: de l’italien avec « piano », « spagetto » et « scénario » (qui adoptent au pluriel la grammaire italienne, à quelques fautes près – « scénarii » en français contre « scenari » en italien), etc.


Si nous devions dépouiller l’ensemble du vocabulaire français des tous les anglicismes, germanismes, hispanismes ou tout autre isthme (ou île – hoho), le Français serait bien pauvre pour s’exprimer.

Les emprunts à d’autres langues sont courants, mais n’étant pas à sens unique, il arrive parfois que le contraire se produit. Ainsi retrouvons-nous dans la langue de Shakespeare des mots tels que « Rendez-vous » désignant un rendez-vous galant, « Déjà-vu », « privilège », « cuisine » qui ont été transposés directement, ou transposé par adaptation comme « tennis » qui vient de « Tenez », lorsque les balles étaient échangées au jeu de paume, ou comme le japonais « Vacancii » qui désigne les vacances. Sacrée image de la France tout de même.

Bien sûr, nous devons éviter l’emploi abusif d’anglicisme et de tout autre mot provenant d’une langue étrangère comme nous devons éviter les néologismes, les fautes d’orthographe, de grammaire et de vocabulaire, mais nous ne devons pas oublier également que la richesse culturelle se fait par des emprunts, des influences, des échanges, et partant du principe qu’une traduction est déjà une trahison, lorsque nous cherchons une idée précise, il se peut que le vocabulaire purement « national » ne suffise pas. Soyons tolérant !

A propos de l'auteur

jyboo

21 commentaires

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  • J’ai rédigé un article sur le sujet sur ce même blog. Le billet s’intitule « Anglais-français : Les enmprunts » 😉

  • Les deux articles se complètent 😉 par l’apport de différents arguments, donc, pas de double emploi.

    Bons articles !

  • Oui, oui, ils se complètent parfaitement, ce n’était pas une remarque de mécontentement. D’ailleurs, moi-même, à mes débuts sur ce blog, j’ai rédigé deux articles qui ressemblaient fort à 2 autres déjà en ligne, tout ça parce que j’avais oublié de vérifier dans la zone « recherche » du blog que des articles traitant du même sujet existaient déjà. L’erreur du débutant fougueux quoi ! 😉

  • Le meilleur francicisme anglais reste pour moi barbecue (« embrocher de la barbe au cul »), qui aurait sûrement été censuré de la chanson de tellier 🙂

  • J’ai bien aimé le style rédactionnel, c’est un article trèa agréable à lire !
    Mais comme d’hab’ je vais faire mon tatillon et enfile mon costume de nippophile. Je ne connais pas le mot « vacancii » en Japonais (qui s’écrirai plutôt vacansii en rômaji s’il existait). « Vacances » se dit yasumi.

    Par contre, après une brève recherche, il figure que le mot « vacances » viendrai du latin vacans, participe passé du verbe vacare signifiant « être libre, innocupé, vacant ». Je ne met pas le lien vers la source car le commentaire se verrai encore bloqué et assujetti à modération :-p

  • Parmi les mots ayant fait l’aller-retour de part et d’autre de la Manche, outre « Tennis » déjà cité, on peut noter « Tunnel » qui n’est autre que la « Tonnelle » qui nous est revenue, ou encore « Rosbif » francisation du « Roast beef » qui n’est lui même qu’une déformation du « Rôt de bœuf » du seigneur normand…

  • Bravo et merci! Oeuvre de salubrité publique! Simple et précis, rapide, amusant, ô combien utile! Et écrit, avec de vrais morceaux de langue! That’s it!

  • Tous ces articles sont très intéressants, mais il est fort regrettable que l’auteur ne fasse pas quelques efforts de relecture. Mon Dieu ! Que de fautes d’orthographe ! Et je passe sur quelques contradictions notées au passage. Ainsi, si l’auteur nous explique que tel mot s’écrit de telle façon, il se doit d’appliquer la règle qu’il a édictée.

  • Nos législateurs sont incapables de définir les mots et verbes tels que « propriété » et « appartenir »

    LANGUE FRANCAISE

    LE TEMPS ET LES MOTS pour Raymond Devos et Yves Dutheil

    Le temps, mathématiquement appelé quatrième dimension, à trois formes : le passé, le présent et l’avenir. Il se chiffre par ce qu’on appelle la durée. La durée du passé c’est l’âge, celle du présent c’est l’heure et celle de l’avenir c’est l’espérance ou l’incertitude qui vont si bien ensemble, sauf dans les calendriers ou certaines éphémérides. On peut préférer le raccourci poétique qui dit que : « le passé est l’étron du présent qui dévore l’avenir ». Jusque là, on est en phase avec les Anglais : la durée du temps est pour eux « the duration of the time. »
    Pour une petite durée on aura un moment ou un petit moment. On peut réduire encore avec un instant et même un petit instant, jusqu’à l’instantané qui vaut zéro. Là, on quitte nos amis britanniques. Pour eux, pas de telles nuances subtiles ; l’instant et l’instantané, sont l’immédiat.
    Pour le temps passé, le Français parle de l’âge, l’Anglais aussi. Pour la fatigue de l’âge, le Français parle du vieillissement. L’Anglais, au lieu de former un mot à partir de « old », n’hésite pas à parler d’« ageing ».

    What time is it ? = Quelle heure est-il ? La précision devient française. On notera, en conséquence, la confusion britannique entre heure et temps. L’heure est une notion quantitative alors que le temps (the time) est une notion qualitative imprécise. La quatrième dimension ne saurait être traitée avec autant de légèreté.

    Là, où on voit que le cartésianisme se limite aux jardins à la française, c’est quand on aborde les choses climatiques en parlant du temps qu’il fait. Le mot temps va aussi désigner les manifestations météoriques dont la science est appelée météorologie. Le « populaire », faute d’un mot adéquat, a immédiatement trouvé un raccourci. Ce temps-là est devenu la météo. Les Anglais n’ont pas eu ce souci puisqu’ils disposaient dans leur vocabulaire du mot « weather ».
    Pour exprimer les dégradations dues aux variations de température, d’humidité, du vent et de tous les éléments généreusement distribués par la nature, nous pouvons employer le mot, commun aux deux langues « érosion ». Nos voisins britanniques lui préfèrent « weathering ». Ils réservent l’érosion aux laminages répétés des vents de sable, des marées, des vagues de la mer, de la progression des glaciers et des courants de toutes sortes.
    En combinant l’« agéing » et le « weathering » on obtient une parfaite image de la dégénérescence des choses et des gens.
    On croyait avoir trouvé la quintessence de la philosophie lorsque François Mitterrand lança la mode de sa pensée ronflante et creuse :

    « Il faut laisser le temps au temps »

    Sortie d’un contexte purement météorologique, cette ânerie n’est qu’une forme de pléonasme.
    Pour revenir à l’étymologie du mot météorologie, on avait raison de penser qu’il s’agirait là de l’étude des météores. On notera, en passant, la grande différence de définition entre le dictionnaire Larousse et la météorologie. En effet le dictionnaire définit le météore comme le phénomène lumineux produit par l’ignition de la météorite lorsqu’elle brûle en rentrant dans l’atmosphère. C’est la fameuse étoile filante. Pour les météorologues, les météores sont constitués par toutes les choses naturelles qui descendent de l’atmosphère. Ainsi, les pluies, la neige et la grêle sont considérées comme des météores aqueux. Les comètes aussi sont des météores à queue, mais elles ne tombent pas sur la terre. La différence d’orthographe trouve peut-être là son explication. C’est quand même beau, clair et précis la langue française, la plus intelligente et la plus belle du monde comme chacun sait.

    La créativité des hommes médiatiques est très grande pour faire évoluer la langue française. Le résultat n’est pas toujours heureux. Ainsi, le général De Gaulle avait lancé et répété son fameux « tirer les conséquences » qui émaille, désormais, tous les discours publics. Avant cela, on se contentait de prévoir, d’envisager ou de mettre en garde contre ; ces fameuses conséquences. Par contre, de tout cela on peut tirer des conclusions. Comme quoi on ne peut pas tirer n’importe quoi et n’importe qui n’importe comment.

    Le grand présentateur Jacques Martin a créé des prononciations qui ont fait école. Désormais, sur les ondes, le mois de Juin se prononce JOUIN, le zoo s’entendra ZOU et la jungle : la JONGLE. On remplace l’expression « par rapport » ou « le rapport avec » par le « rapport à ».
    L’E.NA nous abreuve de « en tout état de cause » qui ne veut rien dire, on peut le supprimer sans changer le sens de la phrase. De même, en parlant, on ajoute des « e » là où il n’y en a pas ce qui donne :
    « Il fallaite abandonner le navire, car, il étaite en train de couler »
    Il suffit qu’un Président de la République quelconque lance la mode pour que tous les présentateurs de télévision et les hommes politiques, godillots perroquets, suivent et répètent. On pouvait penser que « c’étaite » une façon de chercher ses mots mais il n’en est rien. Même, quand un Président de la République a la flemme d’apprendre les discours qu’on a écrits pour lui et qu’il lit son texte sans pudeur, il continue cette manie disgracieuse. Là, au moins, le Général de Gaulle connaissait les textes qu’il apprenait par cœur, d’autant plus facilement que c’est lui qui les composait.

    Le populaire n’emploie pas « en tout état de cause » réservé aux énarques ou à « la France d’en haut ». Même le « en quelque sorte » qui eut son heure de gloire, s’est limité aux classes moyennes. Il s’invente et lance ses propres modes qui ont substitué le « tout à fait » à la bonne vieille affirmation OUI, puis les « c’est vrai que » entrecoupés de « en fait » à répétition. Cela passera mais on sent une menace avec « c’est clair » qui pointe le nez, mais sans faire encore tache d’huile.

  • Je vais faire mon gros lourd, mais le temps n’est pas une notion mathématique… enfin bon, je m’arrête là sinon je vais rapidement devenir insupportable sur ce blog ^^’

  • Bravo pour la rigueur, mais si le temps n’est pas une notion mathématique reconnaissez que c’est une notion de la « physique »…entr’autres

  • Merci KAE – Il reste cette question: pourquoi les législateurs et les spécialistes du droit public ignorent-ils les sens des mots : propriétaire – propriété et du verbe appartenir. Doit-on voir là une autre imprécision de la langue française qui aurait échappé à nos académiciens.
    François TATARD – [email protected]

  • Il y a aussi « protégé » qui est souvent utilisé en anglais (dans le sens « c’est mon protégé »).
    Et quand on lit par exemple des romans russes ou anglais en VO on se rend compte qu’il y a légion d’emprunt au français, allemand ou autre langue … et c’est cela qui fait la richesse de ces œuvres ^^

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